La belle histoire de « Saviorless », le premier jeu vidéo cubain sorti au niveau international.
avril 8, 2024Les designers Josuhe Pagliery et David Darias peuvent enfin souffler. Désormais disponible sur consoles et plateformes internationales, Saviorless, le premier jeu vidéo indépendant de Cuba, raconte l’histoire de la persévérance sur une île où les conditions sont extrêmement défavorables.
Lorsque le projet a germé dans l’esprit de Josuhe Pagliery en 2016, il semblait pourtant béni des dieux. L’artiste graphique de 43 ans, responsable de la conception visuelle du jeu, a expliqué à l’AFP que le projet a vu le jour à un moment historique. David Darias s’est quant à lui occupé de la programmation.
À l’époque, Cuba et les États-Unis étaient en période de dégel sous la présidence de Barack Obama (2009-2017), et l’île communiste attirait toute l’attention. Le projet a bénéficié du soutien d’une fondation américaine, d’un financement participatif, et Josuhe Pagliery s’est rendu aux États-Unis où son rêve de créer un jeu vidéo indépendant cubain a été relayé dans la presse.
Parallèlement, à Cuba, l’internet est devenu disponible sur les téléphones mobiles à partir de 2018, et les coûts de connexion ont considérablement baissé, alors qu’auparavant, la connexion n’était possible que sur les places publiques à des prix élevés.
Cependant, après cette période faste, une « tempête parfaite » s’est abattue sur le projet, raconte Josuhe. Les tensions politiques sont réapparues sous Donald Trump (2017-2021), qui a renforcé les sanctions économiques contre La Havane. Le programmeur initial du projet a émigré, et Cuba est tombée dans une profonde crise économique post-Covid marquée par des pannes et des pénuries d’électricité.
L’instabilité a caractérisé ce projet tout au long de son développement, résume David Darias, 35 ans, ancien professeur à l’Université de La Havane, désormais programmateur indépendant, travaillant dans la pièce de son appartement qui lui sert de studio. Outre les contraintes financières, un conflit sur le nom du jeu, les doutes, et surtout les défis technologiques constants auxquels Cuba est confronté en raison de l’embargo américain en place depuis 1962, ont compliqué les choses.
Après quatre années de travail, des finances modestes et des centaines de lettres sans réponse à des éditeurs internationaux, les deux amis décident de créer une démo gratuite pour laisser une trace de tous leurs efforts. C’est alors que Dear Villagers, un éditeur français basé à Montpellier, a repéré le travail des Cubains et a décidé de les soutenir pour concrétiser leur rêve.
Le jeu en 2D, dont les illustrations ont été dessinées à la main, invite les joueurs à percer le mystère des « Îles du Sourire » en combattant des monstres et en résolvant des énigmes. Selon Luis Antonio Noa, 27 ans, animateur d’une chaîne YouTube dédiée aux jeux vidéo à Cuba, dans la communauté des gamers de l’île, le projet, après avoir suscité la curiosité, était devenu une légende en raison de son long processus de développement.
Carlos Oscar Anaya, 29 ans, qui anime également la chaîne, a déclaré que les joueurs cubains qui oscillent entre les jeux gratuits, les jeux piratés et les jeux publiés localement, sont habitués aux jeux vidéo cubains plus éducatifs. Or, « Saviorless » est un jeu à l’intrigue plus sombre qui cherche simplement à divertir, en mettant en avant sa beauté graphique et musicale.